BIENVENUE SUR CRIMSON PEAK. A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham 1385438532

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A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham

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MessageSujet: A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham EmptyJeu 21 Jan - 11:11


   

   
El
tango
de Roxanne
Rose & Abraham
A l'ombre d'un voile rouge ! Une nouvelle matinée avait ensoleillé Crimson Peak, le froid de novembre venait frapper aux fenêtres et lentement les yeux s'ouvraient sur un ciel encore embrumé. Emmitouflée dans une maigre couverture en laine Rose tentait d'ignorer le froid qui pénétrait par la lucarne entrouverte. Allongée sur un lit de guingois la jeune prostituée s'extirpait d'un sommeil teinté de rêves étranges. Elle avait errer la nuit durant dans un immense labyrinthe, enchaînée à d'autres personnes. Elle n'avait que de vagues réminiscences de ces songes et les faciès de ses compagnons d'infortune n'était pas parvenu à s'imprimer dans son esprit. La jeune femme se leva, la petite fenêtre était cassée et elle ne pourrait pas la fermer. Transie de froid, à peine habillée d'une robe légère qui laissait entrevoir de larges parcelles de peau, elle se glissa jusque la porte de sa piaule. C'était un vulgaire taudis dans lequel s'entassait les gourgandines qui travaillaient aux princesses écarlates. Le terme de princesses ne siéent guère à cette bande de femmes ravagées par la vie et contrainte de vendre leur corps et leur dignité pour quelques maigres pennies. Les nuits étaient courtes pour Rose et les journée bien trop longue.

Engoncée dans un corset bon marché, la poitrine explosant hors de son étau, Rose attendait derrière les rideaux rouges. Les chambres réservées aux clients étaient toujours soignées, nettoyées, un lit de bonne envergure trônait au centre de l'alcôve et des rideaux de pourpre rouge dissimulait les péchés aux yeux du monde. Une odeur de poussière, de tabac froid et de sexe s'attardait dans l'air. Un miroir permettait aux catins de se recoiffer entre chaque passe afin d'être un minimum présentable. Rose releva ses cheveux, rabattit le pan de sa jupe sur ses cuisses de porcelaine et frotta la poussière qui s'était prise entre les plis du tissus. Quelques soupirs lui parvenaient depuis la chambre voisine, les pas appuyée de la maquerelle qui passait devant les chambres également. La nuit avait fini par tomber, une lune blonde et ronde régnait sur la nue et sur des milliers d'étoiles. Rose se laissa aller, rêveuse au souvenir d'une nuit d'été dans sa grande demeure d'Orléans. La chaleur était de mise et alors que le ciel prenait une teinte violacée on restait à flâner dans le jardinet, à rire et à discuter de la visite de quelques hommes élégants. On rêvait mariage et bal. Tout avait basculé depuis tellement longtemps, son nom n'était plus qu'un songe désormais et son quotidien était bercé par les râles des hommes qui agrippaient sa peau et embrassait sa chaire. La porte déjà commençait de nouveau à grincer, le dernier client de la soirée, celui qu'elle redoutait le plus. Le pan de bois s'écarta sur le visage d'un homme aux traits familiers, une barbes légèrement hirsute, des yeux profonds qu'elle connaissait bien, l'arrête d'un nez bien taillé et cette allure toujours aussi impressionnante.

 -Abraham ? 

Elle avait prononcé son nom calmement, presque timidement. Pour la première fois depuis bien longtemps elle avait honte d'être là, debout, affublée d'une robe vulgaire dans une chambre qui empestait la lubricité. Il l'avait sauvé une fois, l'avait extirpé d'un asile qui la rendait chaque jour encore plus folle, il avait espéré. Catin, prostituée, putain. Elle avait probablement suivi une voie à laquelle il ne s'attendait pas.

-Abraham, je...ça fait tellement longtemps.
   
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MessageSujet: Re: A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham EmptyDim 24 Jan - 22:08


Those days are over
You don't have to sell your body to the night


La plume glissait sur le papier rêche, légèrement humide à cause de l’atmosphère ambiante. Un manoir tel que celui d’Abraham Van Helsing était difficile à réchauffer. Les murs étaient épais mais emprunt à quelconque souffle frais, les plafonds étaient d’une hauteur vertigineuse mais faisaient des pièces une surface impossible à réchauffer. Les âtres brûlaient à longueur de journée, sitôt que l’heure de midi était passée, le domestique mettait des buches à se consumer. Des couvertures de laine jonchaient les dossiers de canapés, les lits, les balustrades et les fauteuils et il y avait toujours à portée de main une théière chaude prête à réchauffer les corps engourdis. Dans son bureau, l’hôte n’avait pas échappé à la règle. L’encre noire qui venait se déposer reluisait quelques secondes à la lueur des flammes avant qu’elle ne sèche et la fumée qui s’échappait de la tasse venait chatouiller de temps en temps ses narines d’arôme citronné et de plantes sèches. Abraham écrivait une fois de plus à son ex-épouse, Audra, sans savoir si la lettre lui parviendrait. Il continuait inlassablement de remplir le rôle d’un époux qu’on lui avait spolié sitôt qu’on lui avait retiré Audra. Le père de la jeune femme filtrait certainement son courrier et celles en provenance de Crimson Peak alimentaient sans nul doute d’autres cendres mais il ne pouvait se résoudre à arrêter d’écrire. C’était comme un défouloir, un confessionnal qui avait remplacé l’église désertée. Son journal intime n’était plus que rempli de récits d’aventure, d’hypothèses scientifiques et de théories surnaturelles destinés à la postérité. L’histoire de sa vie n’était plus que savoir et dévotion à la cause et seules ses lettres perdues portaient encore le reflet d’un homme perdu. Mais cette fois, alors que d’habitude, les mots s’enchainaient et s’enrobaient de politesse et de doux souvenirs, la goutte d’encre demeurait au bout de la plume et pour cause. Il avait juré avoir vu une personne de son passé dans les rues de Crimson Peak. Pire : il l’avait vue se réfugier dans un établissement qui n’était pas fait pour elle. Il l’avait reconnue, il la reconnaîtrait entre mille tellement ses traits et ses lèvres lui faisaient penser à Audra. Mais alors qu’il avait cru pouvoir sauver cette âme-là, la jolie Française, la belle Rose, il s’était rendu compte qu’elle avait trouvé foyer dans une maison close. Une fois de plus, il s’était trompé et cet échec l’étranglait depuis la découverte de la veille.

La lune brillait déjà dans le ciel quand Abraham se retrouva face à la porte du bordel. Il ne savait pas vraiment ce qui l’avait porté jusque là, ses pieds ou son inconscience. Il y a quelques minutes encore, il s’épuisait à son bureau et le voilà qui franchissait l’entrée pour réclamer la présence de la fleur. Abraham se faisait passer pour un client normal, qui surprit la tenancière jusqu’à ce qu’il ne glisse le double du prix au creux de sa main. « Demain, elle ne sera disponible pour personne. » Il  venait de lui acheter sa prochaine journée, de lui épargner des clients à l’haleine nauséabonde et aux manières irrespectueuses. Et si toutefois, ça n’était pas Rose alors il aurait joué le bon samaritain éphémère. On le conduisit à une porte de bois qui ne se distinguait pas des autres, une porte vers un paradis charnel comme une autre. Sa démarche fut déterminée lorsqu’il entra, son geste un peu moins lorsqu’il dut retirer son chapeau de ses cheveux longs. Puis il fut face à elle : à la réincarnation d’Audra, au tableau vivant de sa terrible faute. Il avait délivrée Rose d’une prison pour une autre, bien pire. Étranglé par la frustration, par la déception, il ne put retenir un ton plutôt moralisateur quand il s’adressa enfin à elle. « C’est donc pour ça que j’ai risqué mon renom de médecin ? » Ce qu’il y avait de plus ressemblant chez Rose était la façon dont ses cheveux bruns tombaient en cascade le long de son buste à moitié découvert, de son épaule nue. « Alors que tu ne laissais personne t’approcher, voilà que tu laisses la folie humaine te couvrir toute la nuit ? » Volontairement, Abraham s’approcha d’elle pour s’asseoir sur le même lit qui recevait tous les vices. Elle le dominait désormais de sa hauteur, il levait les yeux vers elle et pourtant il ne voyait aucun pouvoir. Voulait-elle vraiment tout perdre ?

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MessageSujet: Re: A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham EmptyMer 27 Jan - 9:53


 

 
El
tango
de Roxanne
Rose & Abraham
A l'ombre d'un voile rouge ! Rose ne bougeait plus, pétrifiée par la puissance du regard qui lui faisait face. Quand il avait retiré son couvre-chef elle avait été tellement ravie de le voir, son visage, chacun de ses traits lui rappelait un passé douloureux. Pourtant Abraham lui évoquait aussi la liberté fugace qu'il lui avait offert, elle avait fui les cris, la folie et l'horreur pour retrouver d'autres cris, d'autres folies et d'autres horreurs. La catin se sentait étrangement mal, elle pouvait sentir le vent froid lui caresser l'épaule, le rideau battait sous les assauts du zéphyr et la pièce s'était soudainement refroidie. Rose s'écarta légèrement du lit, symbole de tout ses vices, elle alla jusque la petite commode où s'étalait un châle rapiécés couvert de poussières. Elle plaqua le tissus sur son dos après avoir battue les moutons qui le recouvrait. Rose baissait la tête, incapable d'entendre les reproches qui lui été fait. Elle savait tout les risques qu'il avait pris, elle connaissait les conséquences d'un tel acte, et à chaque mot, chaque reproche, elle se sentait encore plus honteuse, plus nue, plus folle peut être. Abraham passa à côté d'elle, Rose discerna de son regard une intense tristesse et peut être un peu de la déception qu'elle ne pouvait s'empêcher de causer. Le médecin la contourna et s'assit sur le lit, en contrebas des yeux verts de la jeune femme.

Tout ce qui lui avait dit s'emmêlait dans son esprit, Rose la folle, Rose la chaste, Rose la noble. Une vie qui ne cessait de plonger incapable de réussir à prendre juste un peu d'air. La prostituée avait crû qu'Abraham était venu la sortir de l'eau, qu'il empêcherait sa noyade, mais ses espoirs avaient été bien vain.

- Je n'ai pas choisi cette vie, je n'avais pas le choix, j'étais seule, à la rue et affamée, j'ai fait ce qu'il fallait pour survivre.

Ses mots étaient durs, le ton plus sec que ce qu'elle voulait. Elle se souvenait très bien des premiers jours après l'asile. Elle avait commencé par savourer la douceur du vent sur sa peau, la beauté de Crimson Peak lorsque la nuit la recouvrait de son voile. Et puis il y avait eu la faim, la peur et les ténèbres. La solitude était le pire ennemie d'une femme. Transie de froid, le ventre vide on l'avait retrouvée, sale, puante, la gueule dans la poussière. On lui avait offert du pain et un endroit chaud. On lui avait demandé qu'une seule chose, travaillé ici dans la maison close.

- Je ne t'ai jamais retrouvé après que tu m'as aidé  à fuir, j'étais à la rue, affamée, l'hiver allait arriver. Alors quand la tenancière de cette endroit m'a trouvé, m'a offert le gîte et le couvert, je n'ai pu refuser. Tu étais où toi ?

C'était désormais à son tour de lui faire des reproches, il lui avait offert une échappatoire pour un monde encore plus dangereux que l'asile. Les hommes étaient des loups, violents, avides, prêt à tout pour une piécette, pour un bout de chair. Elle n'était pas fière de ce qu'elle était devenue, mais au moins elle s'était battu pour se garder en vie. Elle regarda Abraham, ses yeux éclairés par la lampe qui traînait dans un coin, enrobés dans un nuage de poussière. Elle lui en voulait terriblement, mais pourtant elle souhaitait tellement le serrer dans ses bras.
 
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HJ : J'espère que ma réponse te conviendra.
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MessageSujet: Re: A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham EmptyMar 9 Fév - 23:17


Those days are over
You don't have to sell your body to the night


Sans savoir qui réellement blâmer, Abraham portait toujours son regard dur sur la prostituée en face de lui. C’était une dénomination qu’il n’aurait pas cru lui attribuer un jour, il y a de ces rôles, de ces statuts qu’on ne souhaite jamais pour quelqu’un ou qu’on ne peut pas même imaginer sur une telle silhouette. Malgré sa différence qui l’avait fait enfermer comme toute autre femme, elle avait su conserver dans son attitude une dignité qui lui avait valu l’estime du médecin. C’était elle qu’il avait voulu soi-disant guérir, du moins aux yeux des autres qui ne considéraient les femmes qu’à travers les représentations fictives et mythiques que la société avait perduré. Une femme déterminée, autoritaire, indépendante ou même séductrice était une hystérique et souffrait d’un mal qu’il fallait soigner. C’était, selon le psychiatre, une des pires hérésies du monde scientifiques – l’ultime maladie qui avait gangréné le monde des savants. La faire sortir avait été une victoire, parce qu’il la savait destinée à de plus grandes choses. Il n’avait pas pu sauver Audra mais il s’était félicité d’avoir pu la sauver, elle. Voilà la manière dont il s’était bercé d’illusions jusqu’à ce qu’il la croise près de ces lumières rougeâtres avant de disparaitre derrière une porte dérobée, accompagnée d’un homme pour qui elle ne ressentirait jamais rien. Que pouvait-il faire désormais ? Il n’avait nul droit de l’emmener, de la dérober à cette vie de débauche et de solitude. Elle avait aujourd’hui une dette envers la maîtresse de maison qui lui offrait maigre salaire, toit sur la tête et pain pour se nourrir en échange de ses services charnels. Abraham avait montré son visage en se présentant tel un client et tout le monde savait que les bordels étaient peut-être des établissements les mieux protégés des bas quartiers. Les maquerelles savaient s’entourer de gros bras pour protéger son affaire car, après tout, les filles étaient leur gagne-pain et elles n’étaient pas à l’abri de tomber amoureuse ou de réaliser la vie désespérée qu’elles menaient. Rose était coincée ici et les lois de la science ou du gouvernement n’avaient aucun droit. « Autant retourner à l’asile... » marmonna-t-il pour lui-même, ne cessant de se repasser en tête les erreurs qu’il avait pu commettre. Mais au fond, était-il vraiment responsable ? Pourquoi avait-il cœur à prendre tout sur ses épaules ? Il fallait croire que l’homme était désormais habitué à porter la faute et les regrets sur son dos fatigué et que la moindre des situations était une autre occasion de s’accabler.

Abraham tripotait négligemment les rebords de son chapeau, partagé par le besoin irrépressible de quitter les lieux et de ne jamais se retourner. Il prit soin de ne pas jeter un seul coup d’œil par-dessus son épaule, pour ne pas laisser son imagination s’emparer des hypothèses sur ce qui se produisait ici. Oh, Rose était une femme très belle – c’était d’ailleurs peut-être cette beauté troublante qui l’avait charmé et qui avait alimenté sa volonté de l’aider – mais elle n’était pas faite pour cet endroit. Que ferait un ange dans les enfers sinon se brûler les ailes ? Il se souvenait des récits de son passé, des quelques détails qu’elle lui avait conté sur sa vie antérieure, sa vie de française. Puis de la confiance qu’elle lui avait accordée et qu’elle était en train de lui reprendre alors qu’elle lui reprocha son absence. « Comment suis-je censé savoir ce que tu deviens ? Sitôt que tu as franchi les portes, tu es partie sans te retourner et tu as eu raison. » Il se décida enfin à se relever avant de poursuivre. « Je suis toujours à Crimson Peak, sur la ville haute. Tu sais pertinemment que j’aurais pu aussi t’offrir le gîte et le couvert. Ce ne sont pas les chambres qui me manquent au manoir et ça n’est pas en patiente que je t’aurais accueillie mais en amie. » Le ton de sa voix était amer, la tristesse se muant souvent en froideur chez le quadragénaire. « Est-ce que les âmes te laissent en paix au moins ici ? » Qui pouvait-il y avoir ici, là où les corps oubliaient l’esprit ? Peut-être que Rose avait la conscience en paix à défaut de laisser le reste de son être se reposer. Agacé, il ressentit le besoin de faire quelques pas dans la chambre. « Il fait froid. » Le reproche qui dissimulait l’inquiétude fut poursuivi, Abraham entreprenant d’allumer l’âtre minuscule qui ne devait avoir aucune utilité ici et que les filles étaient certainement défendues d’utiliser.

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MessageSujet: Re: A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham EmptyLun 15 Fév - 14:45


 

 
El
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de Roxanne
Rose & Abraham
A l'ombre d'un voile rouge ! Rose se sentait perdue, elle avait passé des années à fuir son passé, à se contenter d'une maigre vie de débauche pour oublier les hurlements qui avaient bercé sa jeunesse, et voilà qu'Abraham arrivait, son éternel chapeau vissé sur la tête et son regard inquisiteur. La prostituée oscillait entre tendresse et colère, elle savait que les reproches qu'elle lui faisait étaient pour la plupart infondé, mais elle ne savait point de quelle manière réagir après tant d'années. Rose secoua comme pour évacuer les souvenirs qui tourbillonnaient dans son esprit. Il était vrai qu'elle avait couru sans même regarder derrière elle lorsque Abraham lui avait offert un échappatoire. Elle avait profité de cette porte entrouverte et s'était ruée dans un monde bien plus cruel que la folie elle même. La jeune femme n'avait plus jamais regardé à l'horizon de Crimson Peak, là où trônait l'asile, elle levait parfois le regard mais elle le détournait bien avant d'apercevoir l'immense bâtisse de brique. Abraham évoquait des rêves, des songes qui l'avaient accompagné pendant tout ces années. Elle, de nouveau au sein d'un foyer, le feu qui crépite dans l'âtre, le chant du vent qui joue avec les branches. Elle y avait songé, de nombreuses fois, mais elle n'avait jamais pris le temps de demander une adresse, par peur de se voir claquer la porte au nez. Les promesses arrivaient bien tard, peut être trop tard même, elle se savait de nouveau prisonnière et elle n'avait guère d'espoir.

Les flammes ondulaient dans la minuscule cheminée, elle luttait pour réchauffer un peu l'atmosphère, mais le froid continuait de résister. Rose se dirigea vers la lucarne, elle ferma cette dernière pour mettre fin au courant d'air qui s'engouffrait dans la pièce. C'était là une vieille astuce qu'elle avait développé, si les clients étaient engourdi par le froid, ils effectuaient leur besogne plus rapidement.
- Il fait toujours froid ici Abraham.
Son ton était neutre, elle ne savait qu'elle attitude adoptée.  


- Excuse-moi, je te fais des reproches qui n'ont pas lieu d'être, mais te voir ici, maintenant, alors que je m'étais enfin résignée à mon sort. C'est trop difficile.
Rose refoula un sanglot, son cœur battait la chamade, et alors que quelques réverbères éclairaient faiblement la rue, elle perdit son regard sur la venelle en contrebas. L'espace d'une seconde elle s'imagina, en bas, une robe de velours sur le dos, Abraham a son bras, loin de la luxure et du vice. D'un mouvement brusque elle rabattit le rideau rouge. Du revers de la main elle balaya les quelques larmes qui roulaient sur ses joues et se décida à affronter à nouveau son regard. Le feu projetait des ombres dansantes sur son visage, tantôt dans l'ombre, tantôt dans la lumière.  

- Les âmes, je crois que jamais elles ne me laisseront en paix, mes nuits sont toujours aussi rouge, mais l'épuisement m'aide à ne plus y faire trop attention.
Le ton de la médium était mélancolique, elle ne parvenait pas à s'habituer aux horreurs qui s'insinuaient dans ses rêves, aux visions douloureuses qui avaient bouleversées son existence. Quand Abraham avait débarqué à l'hôpital, qu'il lui avait expliqué qu'elle n'était pas cinglé, que les morts voulaient lui parler, c'est lui qu'elle avait pensé fou. Ah, les âmes, elle les haïssait tellement.

- Je n'ai pas trouver un havre pour mon esprit Abraham, j'essaye juste d'ignorer tout cela, je n'y comprends pas grand chose et je crois que je n'ai pas très envie d'en savoir plus.
  Tout cela l'avait déjà rendu folle une fois, elle ne voulait pas recommencer. Rose s'approcha d'Abraham, elle voulait tellement le serrer dans ses bras, mais elle resta plantée face à lui, le regard perdu, les bras ballants, attendant une simple réaction.  
 
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MessageSujet: Re: A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham A l'ombre d'un voile rouge * Rose & Abraham EmptyDim 6 Mar - 17:03


Those days are over
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Et maintenant ? Si Abraham ne s’était pas ainsi dévoilé au détour de la porte de l’antre qui abritait mille secrets, que serait devenue Rose ? Comment se serait-elle acclimatée à cette vie, aurait-elle fini par se résigner ? Sans ce besoin irrépressible de se mêler de tout et de la piéger ainsi au milieu de sa honte, peut-être aurait-elle finir par assumer sa nouvelle vie et la façon dont elle usait de son avantageux physique pour survivre. Peut-être était-il le seul responsable de son humiliation, lui le paternaliste invétéré. Celui qui voulait se vanter comme un bon samaritain était en train de réaliser, ici et maintenant, qu’il n’était pas celui qu’il avait voulu être. Son quotidien n’était que douloureuses révélation depuis quelques années et son retour à Crimson Peak n’avait pas arrangé les choses car à son présent fragile se mêlaient les démons de son passé. En l’occurrence, voilà ce qu’il représentait pour Rose : une réminiscence d’un passé fou, d’un passé d’emprisonnement. Et il n’avait même pas la solution à lui apporter comme celle qu’il avait pu lui apporter autrefois. Il l’avait sortie d’affaires une fois mais là, ça n’était plus de son ressort de médecin. La prostitution était régie par les lois de la jungle, celles devant lesquelles les autorités fermaient les yeux pour mieux en tirer bénéfice, celles qui n’existaient aux yeux de personne mais aux mains de tous. L’avenir de Rose était désormais entre les mains de tous et de n’importe qui. C’était une vérité qui le rendait fou et qui le glaçait jusqu’à l’os. Il prit la décision d’allumer un feu, se moquant bien de savoir si elle en avait le droit. Il ne voulait pas savoir les raisons qui la poussaient à garder cette chambre neutre, froide, distante. Il n’y avait rien qui pouvait rappeler à Rose qui elle était ou qui elle avait été. On ne leur laissait que peu d’affaires personnelles, triées sur le volet, pour éviter toute tentation de fuir. Que lui restait-il aujourd’hui ? Abraham laissa ses yeux noisette se perdre dans les flammes de l’âtre, en quête du même réconfort que sa propre cheminée lui offrait. Peu à peu, la raison reprenait le dessus sur la spontanéité et enfin il se mettait à réfléchir. Son cœur et ses émotions étaient laissés de côté pour mieux retrouver contenance. La colère s’apaisait peut-être peu à peu, du moins en apparence, mais l’incompréhension subsistait. La jeune femme lui expliqua combien c’était difficile de le voir ici et cette fois-ci, il ne put se défendre de cette accusation. Il avait été égoïste, emporté par le besoin de la revoir et de comprendre, sans savoir si elle, au fond, avait souhaité retrouver sa présence.

C’était deux êtres sur la retenue qui se faisaient face. Deux statues immobiles dont seule l’ombre dansait, reflétait par la lumière de l’âtre. Deux pantins que la fatalité retenait de ses fils solides et il était compliqué de pouvoir ou même de vouloir s’en défaire. Abraham préféra aborder les sujets rassurants des âmes, des compagnes qui suivraient éternellement Rose, qu’importe le destin qui lui serait réservé. Elle avait beau se sentir seule, son don de médium lui avait ouvert tant de possibilités auxquelles elle s’était refusée jusqu’à présent. « Tu devrais les écouter. » Les écouter comme elle l’avait écouté lui et ses hypothèses fumeuses, bien trop surnaturelles pour être soutenues par la science. « Ce sont elles qui t’ont choisies. Et je pense qu’elles peuvent être des guides bien plus efficaces que moi j’ai pu l’être. » Malgré tout, il n’était qu’humain, il ne connaissait rien du présent, de l’avenir, de ses possibilités comme de ses incertitudes. Les âmes qui avaient vécu là et qui erraient à jamais avaient le don d’ubiquité, le don d’omniscience et malgré les visions d’horreur, les mots dissimulaient bien plus qu’elle ne voulait le croire. L’homme se contenta d’esquisser un pas pour attraper délicatement le poignet fin et pâle de la française. Il ignorait si les contacts physiques avec un autre étaient devenus insupportables pour elle, ainsi choisissait-il la prudence. Il voulait simplement lui dire que rien n’avait changé : elle demeurait toujours aussi saine d’esprit et pleine de promesses. Elle s’était juste perdue, tout comme lui. « Je suis désolé. Je peux faire quelque chose ? » Enfin des questions directes et précises. « Tu es libre aujourd'hui. » Il avait payé pour ça.

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